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     Le sujet d’invention demande de produire un texte en rapport avec l’objet d’étude du corpus. Noté /16 en série technologique et sur 14 en série générale, l donne des contraintes de fond et de forme à respecter. Il peut demander d’écrire un discours argumentatif, un poème, un texte romanesque, une scène de théâtre. Il peut demander de poursuivre un texte du corpus, de le réécrire en changeant le point de vue ou le genre, etc… Toutes les notions littéraires apprises dans l’année doivent vous servir de base à l’écriture du texte (figures de style, vocabulaire, étude du dialogue romanesque, didascalies et discours théâtral, procédés poétiques…). Un sujet d’invention doit être entièrement rédigé et structuré.

Texte : Victor Hugo, Choses vues (1846) de « Hier, 22 février… » à  « est inévitable »

Sujet : A son arrivée à la Chambre des Pairs, le narrateur, sous le coup de l’émotion, prend la parole à la tribune pour faire part de son indignation et plaider pour plus de justice sociale. Vous rédigerez ce discours.

Invention : proposition de corrigé

     Chers amis, j’aimerais vous parler d’un fardeau, d’une atrocité dont l’homme est coupable. J’aimerais vous parler d’une faille de notre société qui touche en effet bien des populations mais seuls ceux qui sont touchés se sentent concernés. J’aimerais vous parler de la Misère.

     Je peux voir sur vos visages le dégoût, ce mot vous répugne, n’est-ce pas ? Pourtant, vous ne la connaissez pas, vous ne connaissez pas la misère. Vous avez tous du bon pain, de la bonne viande et du bon vin à vos tables, votre toilette est impeccable, votre esprit cultivé et vos enfants éduqués. Alors pourquoi la misère vous dégoûte-t-elle ? Et bien, parce que l’Homme est ainsi. L’Homme a peur de ce qui lui est étranger alors l’Homme ignore. Car tout ce que je dis ne vous concerne pas et ne vous intéresse pas.

     Vous intéressez-vous à cette vieille femme assise au bout de la rue et qui fait l’aumône aux passants ? Vous souciez-vous de si elle a faim ou froid ? Et l’ivrogne du quartier, vous souciez-vous de lui ? Lui demandez-vous ne serait-ce que s’il va bien ou s’il a une famille ? Non, bien sûr que non, car vous ne les voyez même pas, votre égoïsme, votre ego et vos richesses vous rendent aveugles. Mais, mes chers amis, je vois, oui, je vois, et j’ai vu.

     J’ai vu ce matin même un homme, un jeune homme blond, encore jeune, à peine la trentaine, plein d’espoirs et de rêves, plein de vie mais dévoré par la misère. J’ai vu de mes yeux vu ce que la pauvreté lui avait fait, j’ai vu comment la faim le rongeait et dévorait son âme. Cet homme se faisait arrêter pour un bout de pain, un pain qu’il avait volé. Il s’est fait emmener par deux soldats de la gendarmerie, le traînant dans la honte sous les yeux hagards de la foule. Je l’ai vu là devant la gendarmerie, le dos coubé comme s’il portait la misère du monde sur ses épaules, le teint pâle mais noircé par la crasse et le visage étourdi, sûrement n’avait-il pas mangé depuis des jours. Juste à côté, à l’entrée de la caserne, était stationné une berline armoiriée portant aux lanternes une couronne ducale attelée de deux chevaux gris. A l’intérieur se trouvait une femme, une femme ravissante, jouant avec un jeune enfant, ne voyant pas ce qui l’entourait. Elle non plus ne voyait pas, elle était comme aveuglée par la richesse.

     Mais l’homme la voyait, il voyait tout. Il la regardait, les yeux fixés sur elle, scrutant son visage, son sourire insouciant et inconscient. Il la regardait, elle qui ne connaissait pas la misère et qui, sans doute, ne la connaitra jamais.Et il regardait aussi l’enfant, cet enfant innocent, cet enfant qui non plus, ne connaitra jamais la pauvreté, né dans une famille aristocratique. Il les regardait tous les deux, le regard perdu, la tête sûrement plein de rêves, le rêve de se reveiller un matin sans cette sensation de faim qui vous dévore, ou peut-être le rêve de devenir un jour quelqu’un ou de pouvoir un jour échapper à cette misère. Il avait le regard rêveur, le regard plein d’espoir mais aussi de désespoir car il savait que ses rêves ne pourraient jamais se réaliser. C’était devenu le spectre de la misère, la pauvreté lui avait volé son humanité, il était esclave de sa faim.

     Notre société est si injuste, mais c’est l’Homme qui l’a voulu ainsi car l’Homme c’est la société et l’Homme est égoïste. Il y a d’un côté les riches et de l’autre les pauvres. Les riches ne voient pas la pauvreté car ils sont aveugles mais les pauvres si, ils sont condamnés à voir chaque jour ce qu’ils n’auront jamais.

     Alors mes frères, ouvrons les yeux et voyons, voyons l’injustice dans laquelle nous vivons. Et même si malgré cela, nous ne pouvions rien changer, ouvronx les yeux et offrons à ces pauvres gens un sourire car bien qu’ils n’aient rien, faisons en sorte qu’ils gardent leur humanité, sauvant par la même occasion la nôtre.

D’après le devoir d’une élève de 1SVT, décembre 2014