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   La dissertation est une des trois épreuves au choix, à l’écrit du bac. Noté /14 en série technologique et /16 en série générale, le sujet demande de répondre à une question de manière structurée et argumentée. Il faut faire ressortir une problématique et trouver un plan cohérent, en deux ou trois grandes parties, avec deux ou trois sous-parties. Le devoir doit être entièrement rédigé et comportera des exemples précis (auteurs + titre) pour appuyer son argumentation. Il est bon de consacrer de 2h30 à 3h à cet exercice.

Dissertation : proposition de corrigé

Sujet : Dans quelle mesure la forme littéraire peut-elle rendre une argumentation plus efficace ?

     Argumenter, c’est tenter de faire passer un message en touchant un destinataire. Pour cela, tous les moyens sont possibles afin de convaincre et de persuader ce destinataire. Nous nous demanderons en quoi la forme littéraire peut rendre une argumentation plus efficace. En effet, peut-être qu’un genre littéraire peut être plus percutant qu’un autre, peut-être également qu’une forme en vers aura davantage d’impact que la prose, peut-être que le recours aux figures de style peut toucher un plus grand nombre de personnes car les images sont marquantes. Nous verrons donc en première partie que des formes littéraires variées entrent au service de l’argumentation. Mais nous verrons ensuite que pour qu’une forme littéraire soit efficace, il faut que la capacité de jugement du destinataire soit, elle-aussi, efficace et affûtée. [Introduction : définition du sujet / problématique / plan]

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     Tout d’abord, des formes littéraires variées entrent au service de l’argumentation et les auteurs sont à la recherche de phrases et d’images percutantes. [Intro I]

     Les auteurs cherchent à faire passer leur message de manière incisive, d’où le recours aux formes brèves. Ainsi, nous pouvons voir que les Pensées de Pascal ou les Caractères de La Bruyère, moralistes du XVIIe siècle, sont de cours textes en prose avec des phrases percutantes. Dans « De l’Homme » par exemple, La Bruyère dresse le portrait de Gnathon et le portrait commence par « Gnathon ne vit que pour soi », ce qui place d’emblée le défaut de l’homme au premier plan, même au sein de la phrase. Le nom de l’homme et son défaut sont exposés directement. De la même manière, quand il fait le portrait d’Arrias, il commence par : « Arrias a tout lu, a tout vu, il veut le persuader ainsi. » Ces phrases affirmatives imposent les vices de ces hommes comme des faits. C’est pour dénoncer de manière plus forte que cette structure littéraire est choisie. Puis suit un portrait et des situations ridicules dans lesquelles le personnage se retrouve et le portrait se termine souvent sur une note encore plus risible : Gnathon l’égoïste échangerait sa survie contre celle du genre humain et Arrias le vantard se retrouve humilié par ce Sethon même qu’il prétendait connaître.  [Ia : Idée directrice + exemples]

     Les figures de style sont aussi essentielles pour marquer le destinataire. Par exemple dans le conte philosophique Candide, Voltaire, philosophe des Lumières, a recours à de nombreuses images pour choquer le lecteur, notamment l’oxymore ironique, celle « boucherie héroique » où les « héros » violent des femmes (chapitre III) ou l’antithèse entre Candide et Cacambo, Européens debouts et bien habillés, face au Nègre de Surinam, estropié, allongé et soumis (chapitre XIX). Plus proche de nous, au XXIe siècle, les poètes se servent du slam, car le rythme et les rimes aident aussi à persuader. Grand Corps Malade a écrit « Les Voyages en train » en se servant de la métaphore filée du train pour parler des histoires d’amour. Son propos est qu’une histoire a un début et une fin, tout comme un voyage en train. [Ib : idée directrice + exemples]

     Nous voyons donc que la forme poétique aide l’argumentation, mais aussi le recours aux figures de style ou aux formes littéraires brèves comme la pensée, le caractère ou le conte philosophique. Mais il est très important de noter que ces formes et ces genres, sans la capacité de jugement du lecteur, n’aura aucun impact. [Transition]

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     En effet, le lecteur est un acteur essentiel car l’argumentation ne sera efficace que si elle est bien reçue et comprise. L’auteur et son style ne font pas tout, loin de là. Il faut que le lecteur comprenne la morale, parfois implicite dans l’argumentation, y réfléchisse et ensuite agisse en conséquence.  [Intro II]

     Une leçon n’est appliquée que si elle est comprise et assimilée. En effet, dès le primaire, un enfant va apprendre par coeur « Le Cigale et la Fourmi » de Jean de La Fontaine mais il reverra cette fable au collège, puis au lycée quand il étudiera l’argumentation. Mais cette fable, dont on se souvient forcément le texte (« La Cigale ayant chanté / Tout l’été / Se trouva fort dépourvue / Quand la bise fut venue »), résonnera dans notre tête et, en grandissant, nous lui donnerons tout son sens. Les animalisations représentent en fait les hommes peu enclins à aider leur prochain, et opposent deux conceptions différentes de la notion de travail. Ce n’est qu’une fois adulte que la leçon nous fera raisonner, que la morale implicite sera réinvestie : suis-je la Cigale ou la Fourmi ? Comment dois-je agir dans la société ? Le temps fait donc beaucoup dans l’assimilation et le développement de l’esprit critique. [IIa : idée directrice + exemples]

     De même, en poésie, des poètes tentent de nous persuader de profiter de la vie, mais c’est à nous de le mettre en pratique dans notre vie, justement. C’est le cas de Pierre de Ronsard dès le XVIe siècle qui, avec « Je vous envoie un bouquet », nous explique que le temps passe vite, que la fleur fâne avec le temps. Il lie la beauté de la femme et celle de la fleur, pour montrer que la vie est brève et qu’on doit en profiter avant qu’il ne soit trop tard. Mais celui qui lit le poème ne le met pas forcément en application. En effet, il faut être touché par cette leçon du Carpe Diem pour décider de la mettre en pratique. Peut-être que la parodie de Raymond Queneau « Si tu t’imagines » , son langage familier, ses métaphores provocantes et ses répétitions persuadront davantage, d’ailleurs. Un jeune, persuadé par la forme poétique, mettra en pratique ces préceptes et profitera de la vie. Ce n’est qu’après cette deuxième étape que l’on peut dire que l’argumentation a été efficace. [IIb : idée directrice + exemples]

     On peut donc affirmer que la forme poétique ne sert l’argumentation que si elle est accueillie et comprise par le destinataire, qui mettre les préceptes en pratique. [Transition ]

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     On peut donc conclure que l’argumentation est plus ou moins efficace en fonction de la manière dont elle est transmise. La forme littéraire est donc essentielle, c’est un fait irréfutable. Or, pour que l’efficacité soit avérée, il faut que le destinataire soit attentif au message et comprenne la morale ou la leçon transmise. Ce n’est qu’en formant son propre jugement à la compréhension des messages que l’argumentation touchera son but. Victor Hugo l’a très bien compris puisqu’il prononce de nombreux discours publics, comme son discours sur la peine de mort face à l’assemblée constituante en 1848, dans lequel il privilégie les questions rhétoriques et les adresses directes à l’auditoire à conquérir. [Conclusion : rappel des grandes idées / réponse à la question / ouverture]